La ville peut-elle disparaître ? C’est pour tenter de répondre à cette question, peut-être un peu extrême (sûrement ?) que nous avons décidé de proposer dans « Regards sur la ville » une série d’articles qui donne la parole à ceux qui pensent la ville ou qui travaillent pour la ville au quotidien.
Ville, campagne, beaucoup plus que de la statistique
Une définition purement statistique de la ville est obsolète. D’après l’Insee, une unité urbaine est une zone de bâti continu, sans coupure de plus de 200 mètres entre deux habitations, et qui compte au moins 2000 habitants. Mais aucun chercheur ne peut se contenter de ces caractéristiques seules. Historiquement, les villes sont des lieux de services et de commerce, tandis que les campagnes sont les lieux de la production agricole et, dans une certaine mesure, ceux de la naissance de l’industrie. Dans les villes, on trouve une concentration d’activités et d’importantes fonctions de commandement. Elles se définissent aussi par leur capacité à se penser et à penser leur propre futur. À se réinventer.
Entre ville et campagne, le périurbain
La limite entre la ville et la campagne a toujours été poreuse. Même lorsque les villes étaient fortifiées, les relations avec les faubourgs ont toujours été très fortes. Aujourd’hui, ce qu’on appelle la périurbanisation est la clé pour comprendre cet estompement de la frontière ville campagne. Ces zones situées en périphérie des villes donnent accès à des habitations avec plus d’espace tout en étant ultra connectées à la ville. Elles accueillent des populations qui aiment se sentir comme dans un village tout en voulant conserver un mode de vie urbain. Ce développement périurbain a commencé dans les années 60 avec l’essor de l’automobile, qui a donné la possibilité d’habiter loin de son lieu de travail. Ce qu’on appelle la loi « budget-temps de transport » est le temps de transport que l’on est prêt à accepter quotidiennement. En France comme ailleurs dans les pays développés, il se situe en moyenne autour d’une heure et, quand les moyens de transports deviennent plus rapides, les populations s’éloignent des centres-villes.
Les banlieues veulent attirer les classes moyennes
Il y a un discours ambiant qui dit que ce sont les personnes les plus pauvres qui partent vivre en périphérie des villes. Ce n’est pas totalement vrai : certains le font par choix et cette mixité sociale contribue elle aussi à gommer les limites. Du centre à la périphérie, les villes sont des mosaïques socio-spatiales et cela concerne tous les espaces urbains. Si on prend l’exemple de Châtenay-Malabry dans les Hauts-de-Seine, on voit que la municipalité a engagé depuis 1995 un grand plan de renouvellement urbain. L’écoquartier de LaVallée est un projet long et coûteux, il implique de détruire pour reconstruire, avec comme objectif de développer la mixité sociale et d’amorcer un rééquilibrage sociologique dans une ville qui avait des classes populaires importantes et qui souhaite attirer les classes moyennes.
Encore trop peu d’arbres dans les villes
Dans la plupart des projets de renouvellement urbain, la végétalisation des espaces est mise en avant comme argument pour vaincre d’éventuelles réticences. En réalité, tout cela est encore un peu gadget et la présence d’arbres reste malheureusement souvent très marginale. Or, lors des grandes sécheresses estivales, les lieux les plus bétonnés sont là où il fait le plus chaud et seuls les arbres (plus que le gazon ou les mares) peuvent créer un véritable îlot de fraîcheur. Non, aujourd’hui, on ne peut pas vraiment dire que la ville se végétalise. Il y a même un paradoxe flagrant : dans les espaces périurbains, les jeunes actifs sont très demandeurs d’activités qui les rapprochent de la nature, de fermes urbaines par exemple, mais en général ils ne connaissent pas l’activité agricole située à quelques kilomètres de chez eux.
L’interconnexion, le propre des villes
En fait, la frontière ville campagne s’établit par la connexion aux réseaux. Les villes restent fondamentalement les lieux à partir desquels s’organisent les échanges matériels ou immatériels. Les habitants des villes vont plus facilement communiquer avec une autre ville, même lointaine, qu’avec les habitants de la campagne alentour. C’est aussi cela qui définit les villes : les relations qu’elles entretiennent les unes avec les autres, via les grands réseaux d’infrastructures. Il y a une hiérarchie urbaine. Les grandes villes européennes sont connectées entre elles et échangent. Il en est de même au niveau mondial. Ces échanges concernent le commerce, l’innovation, la culture. C’est ce qui fait la spécificité des villes. Et leur force.
L'auteur
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Une collaboration entre Eiffage et l'Université Gustave Eiffel